Mots clés

#Ibn rushd averroès philosophie islamic dogmes religieux religion et philosophie

La Découverte des Méthodes Démonstratives des Dogmes Religieux, et l'Exposé des Ambiguïtés Déviatrices et des Innovations Déroutantes Résultant de l'Interprétation de Ces Dogme

Mokdad Arfa-Mensia Ibn Rushd
Philosophie - psychologie

Détails de la publication

ISBN
978-9973-49-172-5
Maison d’édition
L'Académie tunisienne ( Beït al-Hikma )
Collection
COLLOQUES
Date de publication
2016
Nombre des pages
297
Langue
Français

Tout le mérite d’averroès est de n’avoir pas prétendu que l’écriture sainte fût une somme de philosophie. autrement dit, bien qu'il fût le commentateur d’aristote, il n’a jamais prétendu que le coran fût un commentaire de la philosophie grecque, ni qu’il contînt les idées du stagirite. ce premier point le distingue déjà de nombreux exégètes juifs et chrétiens tels que philon, maimonide, clément d'alexandrie, origène et abélard, qui croyaient retrouver dans les ecritures saintes, une grande partie de la philosophie grecque. de plus, averroès, en interprétant certains dogmes religieux, n’a pas lâché la bride à son imagination à l’instar de philon, qui était allé bien loin dans ses interprétations de sorte qu’il en arriva à nier l’existence de certains personnages bibliques, en prétendant qu’ils symbolisaient certains états d’âme. averroès se garda par ailleurs de commettre l’erreur manifeste où presque tous les mutakallimün étaient tombés. il n’a torturé l’écriture ni à la façon des mu’tazilites qui cherchaient à adapter, à tout prix, leur doctrine, aux dogmes religieux, ni à l’instar des bâtinites, qui se libéraient du sens littéral pour sonder, soi-disant, le sens caché de l’écriture, et qui n’était rien d’autre que le résultat d’une interprétation délirante. l’originalité d’averroès par rapport à tous ses prédécesseurs, c’est d'avoir compris que le bon sens est diversement réparti entre les hommes, et c’est pourquoi il distingua trois catégories d'esprits correspondantes à trois classes différentes d’hommes : hommes de démonstration, de dialectique, enfin de persuasion. en outre, à chacune de ces classes, il signala la méthode qu’elle devrait adopter pour comprendre l’écriture. pour les philosophes, rationalisme absolu ; pour le vulgaire, fidéisme exotérique absolu ; pour les théologiens qui forment une classe hybride, semi-rationalisme et semi-fidéisme. pourtant, cette division tripartite des hommes, et ce double aspect de la loi divine, dont nous parle averroès, ne doivent pas vous induire en erreur et nous faire croire que notre philosophe préconise la doctrine de « la double vérité » que les padouans lui avaient attribuée. « il était donc abusif d’attribuer à averroès lui-même l’idée qu’il pût y avoir là deux vérités contradictoires ; la fameuse doctrine de la « double vérité » fut en fait l’oeuvre de l’averroïsme politique latin ».(1) en effet, averroès n’avait jamais soutenu que la loi religieuse comportât deux vérités opposées, l’une selon la foi, et l’autre, selon la raison, qui seraient valables pour tous les hommes indistinctement. il avait simplement déclaré que l’ecriture, du fait même qu’elle présente deux aspects, l’un exotérique, l’autre ésotérique, ne contient qu’une seule et même vérité à laquelle peuvent accéder et les philosophes, en usant de l’interprétation et du raisonnement apodictique, et le vulgaire, en s’arrêtant aux symboles et images sensibles. certains auteurs arabes reprochent à notre philosophe d’avoir déchiré la loi religieuse, en y voyant ce double aspect, et d’avoir instauré une hiérarchie au sein de la communauté musulmane en répartissant les fidèles en différentes classes de niveaux intellectuels plus ou moins élevés. on n’a pas manqué, en outre, de le taxer de pharisaïsme et d’infidélité. il est inutile de dire que ces accusations reposent sur la mauvaise foi et sur l’esprit de démagogie. en effet, pour peu que l’on soit honnête, on admettra aisément que toute société humaine, même si elle n’est pas divisée en classes, comporte, tout au moins, une variété de niveaux intellectuels qui viendraient différencier le corps social en groupements plus ou moins intelligents, plus ou moins fanatiques. c’est là, un fait social ou plus précisément psycho-social des plus incontestables. il est certain que ce fait s’observera de moins en moins, quand les sociétés humaines serons de plus en plus « culturalisées », c’est-à-dire lorsqu’elles auront transformé et dépassé la nature pour accéder à l’humain, lorsqu’elles auront socialisé parfaitement la culture et favorisé ses conditions. mais étant donné que cela demeure encore un idéal, auquel nous tendons sans cesse, il est bien certain, aujourd’hui comme hier, que nos sociétés sont divisées en classes, comportant chacune des groupements d’inégale intelligence. ce fait n’a pas échappé à averroès, et c’est pourquoi il a soutenu que la loi divine, en comportant un double aspect, n’avait pas perdu de vue la diversité des hommes et les catégories d’esprits hiérarchiques qui caractérisaient la réalité sociale. nous ne voyons pas en quoi il avait tort, ni pourquoi on devrait le taxer d’hypocrisie religieuse, ou de porte-parole de l’aristocratie ? d’aucuns lui reprochaient d’avoir usé de l’interprétation allégorique de l’écriture pour camoufler ainsi son athéisme. une telle accusation qui venait des théologiens contemporains d’averroès, faillit d’ailleurs lui coûter la vie. en tout cas, elle incita al-mansür, le souverain de cette époque, à exiler notre philosophe à lucena. en outre, averroès fut alors fâcheusement maltraité et persécuté. qu’il fût fanatique et superstitieux comme les théologiens, ses détracteurs, mais il était un esprit très compréhensif, proclamant en toute sincérité, pour des raisons d’ordre philosophique, la nécessité sociale de la religion. il croyait fermement que l’écriture, dans son essence, ne rebutait pas la raison, et que religion et philosophie ne sauraient se contredire, ni être en désaccord. cependant, s’il exige que les hommes du commun s’astreignent au sens littéral de la loi divine c’est d’abord pour les éloigner des interprétations abusives et contradictoires des théologiens, pour ne pas leur troubler cette quiétude et cette « santé morale » que leur offre la religion pure et simple. averroès va-t-il réellement réussi, en accordant religion et philosophie ? nous ferons bien de céder la parole à léon gauthier. pour prétendre la retrouver ensuite, mais en usant essentiellement d’arguments rationnels pour saisir l’esprit cohérent et logique de l’écriture. il y a certes quelques interprétations d’inspiration aristotélicienne telle l’affirmation de la direction divine et de l’immortalité générique de l’âme, mais cela demeure négligeable devant l’effort personnel qu’a déployé averroès pour démontrer, à la lumière de la raison, les dogmes fondamentaux du crédo islamique et pour saper les interprétations erronées que les sectes en ont données.

Préface

Il est de tradition en philosophie d’exprimer sa gratitude aux prédécesseurs pour leurs efforts consentis dans le long chemin ardu menant à la connaissance de la vérité. c’est donc par un double devoir de reconnaissance, à ibn rushd d’abord, et à notre regretté professeur abdelmajid el ghannouchi ensuite, que l’académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts beït al-hikma présente aujourd’hui aux chercheurs, que l’oeuvre et la pensée d’ibn rushd intéressent, une traduction française de son traité de dogmatique al-kashf ‘an manâhij al-adilla fi ‘aqâ’id al-milla. l’étude, la traduction et l’annotation ont été assurées par le professeur abdelmajid el ghannouchi, l’un des premiers professeurs de philosophie arabo-islamique au département de philosophie à la faculté des sciences humaines et sociales de l’université de tunis. en la matière, il a pu former des générations d’étudiants, d’enseignants et de chercheurs. il était alors l’un des spécialistes les plus en vue dans les études rushdiennes, menant sa recherche et assurant son enseignement par passion pour la philosophie et amour pour averroès. il compte toujours parmi les averroïstes connus de notre temps. eu égard à l’histoire des études dans le domaine, on peut affirmer qu’il a fait oeuvre de précurseur. certes, avant lui, des études spécialisées et notoires avaient vu le jour, mais la profusion des recherches a eu lieu bien après la rédaction de la présente étude, surtout autour de l’année 1998 qui correspondait au 8' anniversaire de la mort d’ibn rushd, quand, partout, en orient comme en occident, on a célébré la mémoire d’ibn rushd, par la tenue de grandes rencontres internationales et par l’édition d’oeuvres scientifiques. une meilleure connaissance de son oeuvre et de sa pensée fut désormais disponible.

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