Je crois à la force des constructions théoriques, et à l’autonomie de la théorie qui, si elle ne veut pas manquer la pratique qu’elle confronte à ses raisons, doit faire l’épreuve de l’altérité de son objet, de sa rationalité propre, dans des conditions qui la constituent comme théorie1. dans cet essai, l’objectif est de dépasser deux lieux communs et d’aspirer à une interprétation non partiale et constructive de l’art contemporain. le premier considère les pratiques artistiques contemporaines comme l’expression la plus évidente du nihilisme de l’époque et les rejette tout en nourrissant unenostalgie des formes d’expression révolues, tandis que le second sacralise ces formes d’expression contemporaines en y voyant le triomphe de l’esthétique. c’est un travail qui part d’un double souci, esthétique et philosophique, et qui essaie d’interroger tout d’abord ce couple "modernitécontemporanéité" dans le champ de l’art essentiellement .il cherche à souligner l’aspect problématique de ce terme toujours lié à l’art de notre temps "contemporain" : que veut dire d’abord contemporain ? ce terme peut-il être utilisé indifféremment aux diverses formes de création contemporaine (qu’elles soient d’occident, d’orient ou d’afrique subsaharienne ?) ; est-il assez adéquat pour exprimer la spécificité de l’art de notre temps ? utiliser le contemporain au pluriel est un choix lexical et méthodologique qui montre que chaque contexte socioculturel doit créer sa propre contemporanéité plastique, et que chaque contexte vit différemment son rapport à la temporalité. cet essai veut donc pratiquer l’exercice du libre examen, participer –modestement – au travail de l’histoire, en cherchant un certain principe d’intelligibilité derrière ce foisonnement inédit de pratiques. si l’histoire se fait en nous et par nous, il y a impérativement un travail de sélection et de révision, auquel on est convié vis à vis de notre présent. l’impératif est donc d’être suffisamment lucide pour ne pas adhérer au présent et subir la myopie qui en est la conséquence. il s’agit de cultiver la capacité de s’arracher au présent sans se soustraire à l’époque et d’instaurer ainsi la nécessité de la réflexion critique. l’exemple de baudelaire est très significatif sur ce plan parce qu’il lie l’exigence critique et l’aspiration à une époque nouvelle ; il ne se limite pas à un point de vue nostalgique. c’est à ce niveau qu’on peut forger une certaine signification de l’actuel ou du présent de l’art et chercher au-delà des possibilités théoriques pour le comprendre. en effet, de baudelaire aux années 80 et jusqu’aux deux dernières décennies, il y a eu une accélération sans commune mesure avec les évolutions qu’a connues l’art pendant les périodes ultérieures. cette ouverture de l’art à cette part d’altérité qui lui était jadis extérieure est définie comme ouverture de l’art sur la vie car "si l’art aujourd’hui se tient au plus près des sources de la vie contemporaine ,ce n’est pas pour nous inciter à nous égarer dans ses labyrinthes, mais au contraire pour nous éveiller, pour nous donner à voir et à sentir ce que nous ne sommes pas en mesure de voir et de sentir dans notre vie quotidienne, pénétrés que nous sommes par des forces qui nous opposent à nous –mêmes
